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MONDOVI - La cigogne de mon enfance.
Les cigognes émigrent à l’automne pour revenir dès le mois de février. Leur voyage a lieu le plus souvent la nuit. Elles ont souvent parcouru des milliers de kilomètres par étape de 200 à 300 km par jour. Lorsque les villageois les aperçoivent c’est le signe que le printemps n’est pas loin. Elles arrivent gracieuses sans même bouger, le cou tendu, les larges ailes blanches aux bouts décorés de noir. Elles tournoient sur le nid et finissent par se poser pour faire l’état des lieux. Tout l’hiver les nids abandonnés ont subi l’agressivité des intempéries. Il faut les restaurer. Pendant une bonne semaine, c’est un ballet incessant accompagné de la musique des groupes de moineaux qui sentent que les beaux jours sont bientôt là. Se servant de leur bec de corail les cigognes transportent toutes sortes de branchages et les agencent de façon méthodique pour restaurer la demeure qui recevra les œufs à couver. C’est le mâle qui se charge de la plus grosse restauration. La femelle s’occupe des finitions. Les nids tiennent comme par miracle sur le fait du toit. Ils sont pourtant là depuis longtemps et c’est là que naîtront les cigogneaux.
Dès notre plus tendre enfance, les adultes nous sensibilisaient sur le fait que la cigogne comme les hirondelles devaient être protégés. Depuis l'antiquité, la cigogne est sacrée. En Allemagne on l'appelle "Abedar", ce qui signifie porte bonheur. Chez les anciens Hébreux elle s'appelait "Chasida" qui veut dire "charitable". Malheur à ceux qui oseraient les chasser. Debout sur une patte elles se font parfois remarquer en renversant leur cou dans les épaules tout en regardant le ciel. Elles jouent alors des castagnettes en claquant du bec comme pour saluer le congénère qui se pose à côté d’elles dans le nid. Ces craquètements bruyants se font aussi, entendre lorsqu’il y a querelle au sein du couple. Une année une cigogne n’a pas suivi ses congénères vers d’autres pays chauds. Elle a passé tout l’été déambulant dans l’enceinte de la Tabacoop. Elle était sans doute blessée. Ne pouvant pas prendre son envol, elle n’avait pas eu d’autres choix que de se familiariser avec les hommes qui l’entouraient et qui allaient même jusqu’à la toucher et la caresser. Parmi les curieux qui l’entouraient, il y avait des mécaniciens qui n’avaient pas toujours les mains propres. Le blanc des plumes perdit petit à petit de son éclat jusqu’à devenir d’un gris sale bien foncé.