• MONDOVI - Souvenirs d'enfance .

     

     

     

     

     

     

     

    J'ai habité le domaine de Monville,  près de Mondovi, en Algérie.

    par Marie-Antoinette   

      

    Novembre 1952 Marie-Antoinette a entre 6 et 7 ans. Elle est née en Algérie et y a vécu jusqu' en 1962 pour aller vivre ensuite en Alsace, région dont sa maman était originaire.

    Elle nous rapporte de merveilleux souvenirs qui ont l'importance que peut leur attribuer un enfant parce qu'ils sont la marque de temps forts d'une vie que des évènements sont venus troubler.

      

     

     MONVILLE fait partie de la série de grands domaines agricoles de la région de Mondovi : MONVILLE, GUEBAR, CHAPEAU DE GENDARME, La LORRAINE, BEUGIN, DARHOUSSA, SAINT PAUL, GAZAN...

    Comment sont nés ces domaines ?

    Dans la plaine, l'agriculture est passée par une crise très grave. Les villages, les fermes dépérissaient, se vidaient. Le paludisme sévissait : les eaux stagnantes du marais du FETZARA le rendaient redoutable. La sécheresse, alternant avec les inondations, réduisait les récoltes qui se vendaient mal. L'élevage, empirique, était sans défense contre les épidémies. Les agriculteurs avaient mis leur espoir dans le vignoble, péniblement créé sur les encouragements gouvernementaux : le phylloxéra, le mildiou et surtout la crise vinicole, les frappèrent durement.

    C'est alors que quelques capitaux métropolitains échappés au krachs financiers de l'Union générale et de Panama vinrent s'investir.

    Cliquez sur les photos pour les agrandir.

    Noel à Monville

    Noël à Monville

                                                                                                                            

    En novembre 1952, nous quittons Mondovi pour Monville, domaine viticole appartenant à la Société des Vignobles de la Méditerranée qui possède aussi La Lorraine, Chobard où est né Albert Camus, St Henri....Le grand patron est Mr Tucci qui se montre une fois l'an, en été, costume blanc, belle voiture ...

    Mon père est embauché comme chef de cultures. Nous sommes logés gratuitement dans une petite maison à deux logements.

    Les souvenirs d'enfance de Marie-Antoinette.

    Le jour du déménagement, la cuisine commandée n'est pas livrée ; des caisses nous servent de table, nous mangeons des oeufs.

    Mon grand-père a très mal pris le départ de mon père mais il sera très ému de nous voir lui rendre visite.

    Coco, mon frère, monte sur le barreau arrière de sa chaise et touche son crâne dégarni :

    - « C'est un aérodrome à mouches. »

    Les Bogen sont nos voisins.

    Un jour ma mère voit Coco chercher quelque chose par terre...Mme Bogen a perdu un oeil. Coco cherche son oeil!

    Les Langouster et les Génassia -Mr Brahim- habitent la maison voisine. Cent mètres plus loin se trouve le coeur du domaine avec la cave, les différents ateliers, les garages d'engins agricoles, l'écurie, l'étable, la laiterie.....et les villas avec jardin pour une vingtaine de familles.

    Les souvenirs d'enfance de Marie-Antoinette.

    Un militaire démobilisé nous a donné son teckel noir : un bel animal très fidèle à son nouveau maître!

    Dans notre petite maison la cuisine est un passage obligé or, un matin, impossible d'y entrer pour déjeuner avant d'aller à l'école: le chien couché sur les pantoufles de mon père la bloque et ne veut pas bouger. Au retour de mon père, il tâtera du tisonnier..qui se tord sur son échine.Le lendemain, en partant au travail, mon père l' attache au premier poteau de la pergola et c'est un chien furieux qui nous saute dessus au moment où nous partons pour l'école.

    Nousavons fini par nous en débarrasser...

    Le deuxième chien adopté dans les mêmes conditions est un berger allemand champion de saut .

    C'est dans cette maison, un jour où nous mangions assis l'un en face de l'autre, que Coco s'est entraîné au lancer de ... fourchette. Sur mon front, quatre petits trous!

    Un jour où il me donne un coup de pied, je me plains à ma mère:

    - "Il m'a donné un coup de pied dans les parties!

    - Où tu en as toi des parties ? "  me dit-elle ?

    J'avais compris!!  (Dictionnaire : Pop.pl.Organes génitaux masculins)

    Mon père a un vélo « allemand »: il faut pédaler à l'envers pour freiner. Il a l'habitude de le garer contre le mur de la cuisine. Un jour, pendant le repas, nous entendons un léger bruit de sonnette:

    - « C'est le vent...! »

    Mon père se coiffe de son casque colonial et repart au travail..... à pied car son vélo n'est plus là!

    C'est dans cette première maison que mon deuxième frère Bernard est né le samedi 27 novembre 1954. Mr Merle était venu nous chercher Alain, Josette et moi à l'école, en jeep entièrement bâchée . Lorsqu'il s'est arrêté devant chez nous papa s'est approché.

    C'était le moment de.....? Complot ?Je ne suis pas descendue ; j'ai passé la nuit chez les Merle. Le dimanche matin je suis rentrée à la maison en traînant les pieds sur le bord de la route. Quand j'ai vu Bernard, j'ai dit « Il est pas beau! ».

    Nous déménageons pour une maison un peu plus grande. Nos voisins sont les Récanson bientôt remplacés par les Traquini.

    En été, nous sommes souvent assis sur l'escalier devant l'entrée .

    Dans la soirée ma mère s'installe sur un pliant et tricote. Un jour, tout à son ouvrage, elle ne lève pas le nez et répond:

    - «Bonsoir Madame.»

    C'est en fait Mr Taquini qui passe...

    Début de bouderie.                           

    Derrière, la cave des maisons à deux logements occupées par les Bru, les Juanico, les Cordina, les Maccis et les Pugeots.

    En face de chez nous un quai qui longe la voie ferrée toute proche, un espace de terre battue où les militaires installeront leurs ateliers de mécanique sous des tentes et la vaste place de la cave où nous usons les roues de nos patins à roulettes.

    Mon frère, Coco excelle dans un virage qu'il est le seul à pratiquer : alors que nous essayons tous de tourner vers la gauche avec les pieds en « V », lui tourne vers la droite, le pied droit devant le pied gauche comme en patins à glace!

    La maison du caviste, Mr Arthaud est très coquette. La fille, Marie-Françoise n'est pas souvent autorisée à en sortir pour jouer avec nous.

    De l'autre côté de la route, sous les palmiers aux dattes qui ne mûrissent jamais, la maison du Directeur avec les bureaux au rez de chaussée, celle du sous-directeur, plus récente et la « cantine », un long batiment à trois niveaux où l'on trouve les logements pour les stagiaires cavistes, le réfectoire, l'épicerie et les appartements de l'épicière et ses filles : Mme Henriette Cabras, la grand-mère de Pierre-Yves, Jeanne épouse Marcangeli et Germaine épouse James Alyster Fraser, un militaire écossais qui est revenu après la guerre pour l'épouser.

    C'est lui qui, le plus souvent, tient l'épicerie : par sécurité, la porte du magasin n'est plus ouverte alors il nous donne la marchandise par le carré découpé dans la grille de la fenêtre sous laquelle se trouve le bureau; il s'y assoit pour noter tous nos achats dans un petit carnet où il consigne aussi les apéros de papa avec les habitués de ces bons moments passés au bar de la cantine : messieurs Marcangeli, Fraser, Bouchet......et Mr Brahim, qui n'est musulman qu'à l'extérieur!

    Les souvenirs d'enfance de Marie-Antoinette.

    La cantine

    C'est au cours d'un de ces apéros de midi que papa me dit « Chante !» en me montrant le micro installé au comptoir. Après quelques hésitations je me lance:Louis Mariano, « Le chanteur de Mexico ».

    Depuis quelques temps, je m'entraîne à éviter le canard dans une montée critique :  

     

    ♫♪ On a chanté les Parisiennes,

    Leurs petits airs et leurs chapeaux.

    On a chanté les madrilènes,

    Qui vont aux arènes

    Pour les toreros.

    On oublie touououOUT... ♫♪

    Je coince mais j'arrive tout de même au bout de la chanson.

    Je quitte la cantine au moment où un militaire qui arrive en courant, demande :

    - « Qui a chanté? »

    J'ai honte....(Je souffrais déjà de perfectionnite!)

    Des hauts-parleurs installés à l'extérieur de la cantine avaient sonorisé le domaine le temps de ma chanson.

     

    Les souvenirs d'enfance de Marie-Antoinette.

     La dernière et plus récente maison du domaine aurait dû être la nôtre mais nous sommes partis pour Beugin, une des Fermes Françaises d'Algérie.

    Elle avait été occupée par le séduisant Mr Morhange, que je voyais passer devant la ferme à Mondovi avant qu'il n'entre en fonction comme chef de cultures à Monville.

    Il était grand et ...beau. il s'amusait à nous prendre par les pieds et à nous suspendre la tête en bas. On s'étonnait de le voir seul...Il se disait que les jeunes filles d 'Algérie l'avaient beaucoup fait souffrir....

    Un jour pourtant, il est revenu avec une jeune épouse originaire de La Bourboule. Elle nous racontait les hivers froids de chez elle où elle dormait la tête sous les couvertures.

    Ils ont quitté Monville.

    Nous leur avons acheté mon cosy dans lequel j'ai trouvé un cendrier de la Compagnie Générale Transatlantique French line en verre façon opaline.

    Les souvenirs d'enfance de Marie-Antoinette.

    Sidi Okba et Sidi Ferruch sont des noms de paquebots qui effectuaient la traversée de la Méditerranée pour l'Algérie.