• LEUCATE - La grande pêche à la traine

     

     

     

    La pêche traditionnelle en mer à Leucate durant les années cinquante.

    LEUCATE -  La grande pêche à la traine

    LEUCATE-PLAGE : La plage s'étend de la limite de la commune du Barcarès à la falaise de Leucate.

    La photo est prise depuis le haut de la colline.

     

    Nous sommes durant les années cinquante. 

    Cela se passait sur la grande plage de Leucate ou celle de La Franqui. Une trentaine d'habitants du village y participaient. Le groupe était constitué d'hommes et de femmes embauchés spécialement pour cette activité. Le patron pécheur propriétaire d'une grosse barque organisait l'activité qui se pratiquait la nuit. La barque était préparée sur la plage. A cette époque tout se faisait à la force des poignets.

    A l'époque la rame était la seule énergie disponible

     Leucate - Années 50 - La grande pêche à la traine.

    Les pécheurs, leur famille, les amis unissent leur force pour sortir la grosse barque de l'eau

     

    LEUCATE -  La grande pêche à la traine.des années cinquante

    Sur la plage de Leucate, les barques couvertes des filets.

    Leucate, à cette époque n'avait pas de port. Toutes les manœuvres se faisaient à partir de la plage. 

     

    Sur la barque un gros filet qu'on appelait la "traine" était entassé. De chaque côté de ce filet était accroché un cordage en sisal.

    Le déclenchement de l'opération dépendait du temps. Pour cette raison la période la plus propice était la belle saison. Une mer plate et sans houle était indispensable. Chaque jour le patron pécheur observait la mer. Si les conditions étaient réunies il avertissait les personnes embauchées. Le soir même l'équipe était réunie sur la plage. Chacun avait préparé de quoi "tenir" une nuit sur le sable : vêtements chauds, repas froids.

    Rendez-vous était pris pour une heure donnée, toujours avant que la nuit ne tombe. Chacun était muni d'un accessoire indispensable qui consistait en une sorte d'écharpe en toile de jute de plusieurs épaisseurs qu'il enfilait un peu à la manière de l'élu du village. Nous verrons un peu plus tard à quoi servait cet accessoire.

    La première manœuvre consistait à mettre la barque à l'eau. Cela se faisait à la force des bras. Le poids de l'embarcation imposait que le déplacement se fasse sur des planches enduites de graisse afin de faciliter la progression sur le sable. L’équipage composé de quatre hommes dont faisait partie le patron avait pour mission de jeter le filet au large. Une fois le filet largué la barque rejoignait le bord de l'eau en trainant derrière elle le cordage attaché de chaque côté et enroulé sur des rouleaux qui se vidaient. Cette opération était répétée trois fois au cours d'une nuit : avant le tombée, au beau milieu de la nuit et le matin, de bonne heure avant le lever du jour. La nuit des lanternes étaient allumées ("fanals") étaient allumés pour assurer un minimum de clarté.

     

     

    Depuis la plage on écartait les deux bouts du cordage tendu entre le filet et la plage pour ouvrir le filet. Quand l'ordre était donné par le patron on accrochait la fameuse écharpe de jute à la corde pour tirer de toutes ses forces afin de ramener le filet sur la grève. A tour de rôle chacun remontait la grève puis se détachait et revenait au bord de l'eau pour s'accrocher à nouveau et ainsi de suite. Au fur et à mesure que le filet s'approchait de la plage, le cordage était à nouveau enroulé. Des repères en chiffon permettaient d'évaluer la distance restant à couvrir. Les manoeuvres étaient d'autant plus difficiles qu'elles se faisaient sur le sable meuble et qu'il était indispensable d'observer une tension constante des cordes. Une progression régulière et aussi rapide que possible permettait d'éviter la perte de poissons en cours d'opération. Lorsque les premières mailles du filet apparaissaient l'ordre était donné aux deus groupes "tracteurs" de se rapprocher. Ainsi la poche du filet se refermait. Rapidement pour éviter les pertes, chaque groupe tirait alors à la main le filet sur la grève..

    Leucate - Années 50 - La grande pêche à la traine.

     

     

    Lorsque le filet était sur le sable la fatigue due à l'effort intense fourni se faisait oublier si la pêche était bonne. On entassait le poisson sur des toiles. Il était trié par espèces et protégé par des toiles de jute mouillées pour passer la nuit. Rapidement le filet était remis à l'eau. L'attente de la deuxième opération était l'occasion de détente, de repos ou le moment pour reprendre des forces en ingurgitant le repas froid préparé à cet effet. 

     Durant les chaudes nuits d'été les "pécheurs" dormaient à la belle étoile ou protégés de l'humidité par des toiles tendues improvisées. Trois fois dans la nuit les "tireurs" étaient mis à l'épreuve. Un des soucis était d'éviter que le filet se mette en travers. Les deux groupes devaient tirer à la même cadence en faisant le même effort. Le travail était d'autant plus pénible que l'âge des personnes était avancé. Pour tous, les pieds brulaient sur le sable, les jambes s'engourdissaient, l'écharpe devenait insupportable. Il fallait pourtant tirer, courir, s'accrocher, tirer encore avec espoir que la poche du filet se remplisse. Les femmes supportaient les mêmes conditions. C'est pour elles un gagne-pain sur lequel elles comptent pour seconder leur mari dans la nécessité de faire vivre la famille.  

    Leucate - Années 50 - La grande pêche à la traine.

    La plage de Leucate. Le lido qui séparait l'étang (à gauche)de la mer  (à droite) se nomme "Le Mouret". Des vignes y étaient plantées. 

     

    La récompense de cet effort c'était le poisson qui frétillait dans le filet alors que l'effort final intense était fourni .

    La nuit passe lentement jusqu'à la dernière manœuvre qui s'annonce alors que le jour pointe à peine. Il faut absolument finir avant l’aube. Le réveil est difficile après le repos mérité de cette moitié de nuit. La nuit a été encore plus courte pour les dirigeants de la manœuvre qui ont eu entre chaque "tirage" à vérifier le matériel et à organiser l'étape suivante. Quand la pêche eétait bonne, les tas de poissons sous la toile de jute grossissaient pour le plus grand bonheur des employés qui emportaient la part qui constituait leur salaire. La répartition aussi équitable que possible était faite par le patron qui répartissait la pêche en tas de valeurs équivalente. Pour encore plus d'équité un tirage au sort permettait de répartir les tas. Le partage était fait sans contestation, le hasard faisant bien les choses.

    Une fois la distribution faite, chacun s'empressait de rejoindre le village, qui à pied, qui à vélo. Il fallait  arriver, si possible le premier pour proposer sa pêche aux villageois qui l'attendaient.

    Les femmes se chargeaient le plus souvent de la vente. Installée devant leur porte elles criaient pour attirer les éventuels clients. Les fins gourmets préféraient et choisissaient le poisson de la dernière pêche, celui qu'on avait tiré au petit matin. Il savaient le reconnaitre. Ces jours d'été de "grande" pêche le village était animé. Dans toutes les rues ou presque la balance Romaine faisait la loi. C'était l'outil indispensable de la poissonnière qui l'emportaient vers les villages voisins lorsque la clientèle du village était épuisée. Il fallait, par exemple traverser l'étang pour aller jusqu'à Fitou, monter au village et en parcourir les rues pour "placer" le poisson qui restait. A l'époque il était impensable de pouvoir conserver du poisson en attente de la vente. Les journées étaient bien remplies, harassantes et il n'était pas rare qu'elles s'achèvent par l'organisation d'une nouvelle partie de pêche pour la nuit suivante. Durant l'été le village baignait dans des odeurs de bouillabaisse ou de poissons frits  

    Le règlement draconien à respecter en termes d'assurance de démarches administratives à l'embauche a accéléré l'extinction de la pêche à la traine "à bras". Pendant un temps on tira le filet avec un tracteur mais l'enthousiasme et l'ambiance faisant défaut le procédé fut abandonné