LEUCATE - Le fabuleux voyage des anguilles.

La pèche sera-t-elle fructueuse ? 

Une barque progresse lentement dans l’anse qui servait autrefois de port d’attache aux pécheurs d’anguilles de l’étang de Leucate.

Les pécheurs se font de plus en plus rares. Aujourd’hui on peut les compter sur les doigts d’une seule main.

La barque à fond plat glisse doucement poussée par un petit moteur vers le filet que le pécheur a calé dans la vase au fond de l’étang.

 Le moteur se tait. L’homme se saisit d’une des poches du filet. Il la vide dans une grande poubelle en plastique posée dans la barque.  Quelques grosses anguilles vertes s’agitent parmi de nombreux crabes. Le tout finit au fond de la poubelle. Le pécheurs se débarrasser des crustacés qui s’attaquent aux anguilles et les rendent invendables.

Manipulant la « fique », une perche en bois, l’homme pousse la barque d’une poche à l’autre. A chaque fois quelques poissons viennent s’ajouter au fond de la poubelle. Le pécheur remet alors son moteur en route pour aller vers un autre filet.

Chaque filet est visité.

Autrefois avec six filets le pécheur pouvait s’en sortir. Aujourd’hui il en faudrait une quarantaine pour vivre correctement.

Avant 1990, il se péchait environ 250 tonnes d’anguilles par an. Ces dernières années, le stock d’anguilles a considérablement régressé. Dans les années 50-60, deux cents familles vivaient de cette pèche autour de l’étang. Ils ne sont qu’une poignée à pécher l’anguille toute l’année.

Aujourd’hui la pêche n’a pas été fructueuse.

A peine deux à trois kilos qui font 10 à 15 euros pour le pécheur. Le maigre butin sera stocké dans un vivier en attendant que le mareyeur vienne le récupérer. Il les entreposera dans des bassins avant de les expédier vers l’Italie, la Hollande, la Belgique ou l’Espagne.

Autrefois Il arrivait que la pêche soit miraculeuse.

Les filets étaient alors si pesants que le pécheur avait du mal à les hisser sur le bateau. I

l pouvait se prendre  300 à 400 kilos d’anguilles d’un coup. .

Cela aidait à oublier les jours « maigres » ou les journées passée à  nettoyer des filets chargés d’algues ou de boue.

L’anguille vit quelques années dans les lagunes du bord de la Méditerranée. Pour atteindre nos étangs, elle parcourt des

milliers de kilomètres depuis sa mer natale de l’autre côté de l’Atlantique.

Après sa vie sédentaire dans les étangs de Thau, Leucate ou Barcares, elle retourne en ces lieux où elle est née.

Comment l’expliquer ?

Il y a quelques millions d’années l’anguille avait pris l’habitude de cacher ses amours dans la mer des Sargasses qui n’était alors qu’un bras de mer étroit qui résultait de la séparation des continents européen et américain.

Cette mer intérieure est devenue l’océan que nous connaissons.

Malgré cela, les anguilles ont conservé les traditions inscrites dans leurs gènes.

Leurs ébats ont continué à se faire en cet endroit.

De génération en génération, la distance les éloigna de l’Europe (ou de l’Amérique, pour celles dont le trajet était inscrit dans les gènes).

D’abord petites larves naissantes, les anguilles sont poussées par les courants chauds du Gulf-Stream vers les côtes européennes. Elles mettent un an pour arriver en Europe.  Actuellement les anguilles européennes parcourent trois à cinq mille kilomètres pour passer quelques années dans nos mers froides.

En arrivant sur nos côtes la larve ressemblant à une feuille allongée prend une forme cylindrique. Entre le début de l'hiver et le printemps elles rentrent progressivement en eau douce ou saumâtres et s'adaptent à ce nouveau milieu.

Elles mesurent alors environ 7 cm et s’appellent civelles. Elles sont transparentes.

Elles se faufilent tout au long des cours d’eau évitant pécheurs et prédateurs.

Leur point de chute est en général le lieu où a vécu la génération précédente.

Dans nos régions les civelles pénètrent à contre- courant dans les étangs, aidées par le mouvement de l’eau qui favorise leur progression. Commence pour elles une vie sédentaire. Aiguillettes, entre 10 et 15 cm elles deviennent anguilles jaunes ou verte au delà de 15 cm. 

Arrivées dans le lac marin elles se nourrissent de larves, de crustacés ou de vers. Elles subissent plusieurs transformations. Leur peau noircit et leur ventre prend une couleur blanc argenté. Pour cette raison on les appelle anguilles argentées.

A ce stade, à l'automne, elles sortent des étangs. Elles ont alors un âge très variable. Elles peuvent avoir entre 3 et 20 ans et mesurer 35 cm pour les femelles, un peu plus pour les mâles.

Leur programmation génétique aidant, elles entament un voyage qui durera cinq à six mois et les mènera vers la Mer des Sargasses où auront lieu les épousailles et la reproduction..

Les anguilles termineront  leur vie dans la mer où elles sont nées qu'elles ne quitteront plus.