• MASSAT - Lucie, "La Ruse".

     

     

     

     

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Voyez à quoi ressemblaient en 1800, les versants de certaines  vallées du Couserans, région de l'Ariège.

    Les cultures s'étageaient sur des pentes à ne pas pouvoir tenir debout où seuls les outils manuels étaient utilisables.

    Le lieu dont nous vous parlons dans cet article ressemblait fort à celui-là.

     

     

     

     

     Nous vous menons au cœur des Pyrénées, dans un petit, tout petit village où le français n’était parlé qu’occasionnellement. Ici on parlait surtout  mélange d'occitan et gascon.

     

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     

    Parti de Massat sur le chemin qui mène au village de « Le Port », vous avez traversé le village,   longé un ruisseau, laissé à droite, sur un piton, le fronton blanc d’une chapelle pour passer entre les maisons en un lieu qui ressemble à un col.

    Cette particularité est à l'origine du nom de "Le Port"

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Dans les Pyrénées, en effet, le col est souvent désigné en employant le mot « port ».

    D’abord hameau, dépendant de Massat, « Le Port » a pris son autonomie pour devenir village en 1852.

    Sur les « flancs » de sa vallée existaient des lieux isolés vivant en quasi autarcie. Les habitants devaient rivaliser de débrouillardises pour subvenir à leurs besoins.

    C'est dans un de ces lieux que nous vous menons. Pour l'atteindre il faut emprunter des sentiers aux pentes raides qui quittent le fond de la vallée pour rejoindre les quelques maisons installées là, pour certaines, depuis le moyen-âge.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Quittons « Le Port » et tournons à gauche sur un chemin dont la largeur correspondait exactement à celle d’un charreton. Le charreton était une charrette, construite de toutes pièces par son propriétaire, souvent tirée par une ou deux vaches. C' était le moyen de transport le plus usité.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Pendant longtemps l’accès aux hameaux était impossible autrement qu’en empruntant ces sentiers muletiers à peine carrossables. Les terres manquaient tellement que personne ne voulait céder une parcelle de son bien pour créer un accès plus commode. Dans cette région surpeuplée, la moindre parcelle de terre pouvait contribuer à la survie de ceux qui l’occupaient.

    En 1851, à sa naissance, "Le Port" comptait 2442 personnes. Le village en compte aujourd’hui environ 170.

    Ces chemins, défrichés à la main, constituaient l’essentiel du réseau de communications des lieux-dits entre eux et avec les services administratifs du village au fond de la vallée.

    D’une génération à la suivante, les familles se sont succédées se maintenant en place.

    Au fil du temps, les foyers portant le même patronyme se sont multipliés.

    Dans le hameau où nous vous menons, un des patronymes les plus anciens est celui de la famille Ponsolle. Ses pionniers se sont probablement installés durant les années 1600-1700 dans les premières maisons construites de leurs mains sur un terrain encore pentu juste avant d’atteindre le sommet du versant.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Juste après la révolution, au début des années 1800, Jean Ponsolle, a pris pour épouse Jeanne Boneil. Le nom complet de la femme était Boneil Pescayre, celui du mari Ponsolle de Petit. Ces sobriquets ajoutés aux noms de familles permettaient de différencier des foyers portant le même patronyme.

    Le hameau où vivait les Ponsolle de Petit avait pour nom « La Ruse ».

    Pourquoi ce nom ? On ne le sait pas...Ce que l’on sait, par contre c’est que tous les habitants s’y sont installés durablement. Certains y sont nés et y ont vécu jusqu’à leur mort. La population a pris une telle importance qu’une école y a été créée.

    MASSAT - Mémé Lucie

    La population évoluant, deux quartiers sont nés.  “La Ruse d’en bas”. Puis quand la terre manqua, “La Ruse d’en haut” est né.

     

    Aujourd’hui, les arbres au-dessus de « La Ruse d’en haut » cachent les parcelles cultivées en terrasse qui imposaient un travail fastidieux, à la main. Les efforts éreintants ne permettaient qu’une une maigre récolte de blé ou de sarrazin, quelques kilogrammes de pommes de terre. Les parcelles retournées manuellement recevaient comme fertilisant le fumier de deux ou trois vaches qui permettaient l’alimentation en lait et beurre de la famille.

    De temps en temps le lait servait à l’alimentation d’un cochon ou d’un veau élevé sous la mère.

    Le cochon acheté sur le foirail du Pouech à Massat, était nourri avec le souci constant d’économie. Sa pâtée était constituée de navets, d’épluchures, de petites pommes de terre, de trognons de choux et de betteraves. On y ajoutait un peu de lait. On ajoutait du maïs et de la farine avant de l’abattre, pour aider à son engraissement. Tout cela cuisait dans la marmite de fonte suspendue à la crémaillère.

     

    Jean et jeanne étaient cultivateurs et vivaient essentiellement de la production de leur jardin qui se composait de pommes de terre, de betteraves, de haricots, d’un peu de seigle ou de sarrazin deux ou trois rangées de salades et d’oignons, quelques choux.

     

     

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Au hameau, pas de rues, pas de trottoirs, de simples sentiers séparent les maisons. Pas de « commodités » autres que celles que pouvait procurer le bassin à l’entrée du hameau où se déversait l’eau abondante d’une source captée un peu plus haut, à l'origine, sans doute de la création du hameau en ce lieu. La fontaine est le lieu le plus animé, fréquenté par les mères de familles qui viennent y faire leur lessive, les enfants qui se retrouvent lors de leur corvée d’eau.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Parmi ces enfants figurent les filles de la famille Ponsolle. Elles sont quatre.

    Les enregistrements de leur naissance effectués à l’agence postale du hameau et transmises à la Mairie, au fond de la vallée révèlent le sens de l’humour de leurs parents qui ont pris plaisir à leur choisir des prénoms qui se terminent tous de la même façon : Marie, Lucie, Aurélie, Léonie.

    Au hameau tous les habitants sont « placés à la même enseigne ». La vie est dure mais cette rudesse est quelque peu atténuée par les moments d’allégresse qu’offrent les rassemblements d’entraide pour faire face aux travaux les plus pénibles. Les fêtes du cochon pratiquées dans tous les foyers se multiplient à l’entrée de l’hiver et donne l’occasion de réunions interminables.

    Malgré cela comment subvenir aux besoins que font naître les six personnes d’une famille.

    De tous temps des jeunes ont donné l’exemple, de gré ou de force en  de quittant la vallée pour aller vivre un temps en ville et ramener les deniers nécessaires pour « arrondir les fins de mois ».

     Dans la famille Ponsolle de Petit, Marie, la fille ainée a été la première à s'exiler pour occuper une place d’aide-ménagère dans une famille aisée installée place des Quinconces à Bordeaux.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Lucie, la deuxième fille est née à « La Ruse », le 28 novembre 1892, a suivi toute sa scolarité primaire à l’école du hameau pour apprendre à lire et à écrire avant de prêter main forte à ses parents en se voyant confier, dès ses quinze ans, des travaux tels que la garde des vaches. Comme ses sœurs encore à la maison, le soir ou le jeudi, elle se voyait confier cette tâche fastidieuse mais indispensable pendant que les parents s'occupaient des travaux des champs.

     

    Ce temps de surveillance interminable était souvent occupé à broder les pièces du trousseau, chose dont était redevable toute fille désireuse de prendre époux.

    A dix-huit ans, Lucie se rendit à son tour à Bordeaux dans la même famille que sa sœur pour prendre la relève.

    C'était une jeune fille gaie, vaillante, pleine de charme qui aurait pu facilement trouver un prince charmant en ville.

    Tout le monde pensait que, découvrant une nouvelle vie en ville, elle ne reviendrait plus se « perdre » à « La Ruse ». C’était sans compter sur la nostalgie qu’elle avait endurée pendant tout son séjour, malgré la gentillesse de la famille qui l’employait. Elle revint au pays deux ans après son départ, plus belle que jamais et prête à faire face à une nouvelle vie.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     

     

    Aujourd’hui le village n’est fréquenté que durant les plus beaux jours de l’année par des estivants qui ont transformé certaines maisons en résidences secondaires.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    Certaines terrasses offrent une vue magnifique sur la vallée qui mène à l’étang de Lers. On ne peut s’empêcher, cependant de se poser la question de savoir comment des gens ont pu monter vivre si haut.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     Qu’est-ce qui a pu pousser l’homme à gravir ces pentes jusqu’à la limite des terres accessibles ? Sans doute le manque de place au fond de la vallée, la fuite loin de la misère et la recherche d’une vie meilleure.

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     

    Les gens ont vécu paisiblement. Ils ont fait des enfants. Ils ont vieilli. Certains ont été enterrés dans le cimetière, à l’entrée du village de « Le Port ». 

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     

    Comme ses sœurs, Lucie a quitté « La Ruse » pour se marier et s’installer sur la commune de Biert de l’autre côté de Massat.

    Marie a fini ses jours dans le nord de la France.

    Aurélie s’est installée à Saint Girons, sous-préfecture de l’Ariège. Elle a hérité du surnom de « Pépito » en raison du plaisir qu’elle avait de proposer, lors de nos visites, des gâteaux qui avaient endossé le nom commercial de « Pépito ».

    Aurélie avait aussi pour pseudonyme Tante « Pince-crabe » parce qu’elle proposait avec fierté d’utiliser sa « Pince crabe » pour transférer les pierres de sucre du sucrier à la tasse.

    Quant à Léonie elle a continué de vivre dans la région. Installée dans une belle petite maison, grâce à son mari qui était maçon, elle vécut longtemps entre « La Ruse » et « Le Port ».

     

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

    MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     

     

    Lors d’une de nos visites au village, nous avons eu la chance de rencontrer une véritable “Rusée”...au fait je ne sais pas comment on appelle  les habitants de La Ruse.

    Cette vieille dame, prénommée Clémence, a vécu au village et a bien connu Lucie. Elle habitait la maison juste à côté quand elles étaient gamines.MASSAT -  Lucie, "La Ruse".

     

    Ses souvenirs préférés sont les moments où les deux filles se rencontraient dans les greniers de leurs maisons qui communiquaient.

    Clémence nous a fait découvrir la maison de Lucie.

     

     

    Lors de notre visite, le grenier n'existait plus. Il ne restait plus de la maison que le rez-de-chaussée.

     

      

    LA RENCONTRE AVEC CLEMENCE