• MASSAT - Droit de cuissage ?

     

     

     

    Il existait à Massat, construit sur un piton rocheux, un château, demeure des seigneurs du lieu. Aujourd’hui ne subsistent que quelques pierres de la bâtisse à laquelle les habitants mirent le feu suite à une longue querelle avec les propriétaires. On s’accorde à dire qu’à l’époque féodale certains maîtres des lieux, membres de la famille s’arrogeaient le « droit de cuissage ».

    Quèsaco ?

    Ce droit consistait pour le seigneur à passer une partie de la nuit, voire une nuit entière, avec les jeunes promises avant que le mariage ne soit consommé. Cette pratique a été longtemps considérée comme le « serpent de mer de l’histoire féodale ». Pour certains, la chose était d’autant moins crédible que l’on disait les futurs maris consentants.

    En lisant certains textes sur l’histoire mystérieuse des montagnes qui nous entourent – je veux parler des Pyrénées- j’ai découvert que dans certaines communes on a trouvé en 1538, parmi les droits de certains seigneurs (corvées, fers, prison) un droit un peu particulier : le « droit de braguette ». Ainsi, le seigneur de LOUVIE-SOUBIRON appliquant l’article 22 de ses droits s’octroie la possibilité de jouir des femmes de son territoire en imposant qu’elles lui soient présentées avant la première nuit de vie conjugales.

     

    L’article 23 précise

    « Ils (les habitant) doivent payer également une somme d’argent pour chaque enfant qu’ils engendrent. Et s’il advient que le premier né soit un enfant mâle il est affranchi parce qu’il pourrait être engendré par les œuvres dudit seigneur dans la première nuit de ses plaisirs.

     

    On peut se poser la question de savoir comment ces droits acquis par le seigneur l’étaient avec l’aval du jeune marié ?

     

    Les textes les plus anciens rapportent que la femme des montagnes pyrénéennes a toujours mené sa vie conjugale dans un esprit d’indépendance et de liberté que n’avaient pas les femmes de la plaine. Cela leur permettait une égalité des droits avec l’homme dans la vie publique et la transmission de la richesse. Cette égalité lui permettait donc de se passer de l’autorité du futur mari dans la gestion de sa vie sexuelle. Des femmes servantes étaient affectées au plaisir du maître. Cela n’engendrait ni honte ni clandestinité. Elles s’en ventaient ouvertement. C’était pour elles non pas un avilissement mais l’équivalence d’un titre .

     

    Mais voici une autre raison, peut-être plus objective du consentement du mari que j’ai découverte dans un extrait d’un écrit de Michel Bataille qui analyse les mœurs de l’homme médiéval.

    «  Sous la Révolution française bien qu’il fut à peu près tombé en désuétude le droit de cuissage apparaissait comme le symbole des abus de la féodalité. Mais au Moyen-âge on ne s’inquiétait pas pour si peu. Il semble même qu’existe une superstition inattendue : faire couler le sang, croit-on présente un danger magique. Comme les filles saignent souvent en perdant leur vertu cela semble un risque à courir et l’on ne voit pas d’inconvénient à tout hasard à ce que ce risque soit pris par qui fait métier d’en prendre et précisément à la chasse ou à la guerre, de faire couler le sang, c’est-à-dire le seigneur. A cette époque où les diables passent pour rôder un peu partout, l’éventuel fiancé rural préfère le baron s’expliquer avec eux même et c’est au prix de l’innocence de sa promise. »

     

    Voici maintenant le point de vue d’un journaliste du site Slate.fr.

    « Droit de cuissage», pratique d’un autre temps.

     

    La symbolique de cette expression est forte. On visualise immédiatement le seigneur pervers qui «force» (c’est le verbe que l’on employait alors pour désigner le viol) la jeune fille de basse extraction, lui qui a tous les droits (et donc tous les droits sexuels) sur elle, elle qui n’en a aucun.

    Ce «droit de cuissage», en effet, est une invention du XVIIIe et surtout du XIXe siècle. Elle date d’une époque où l’histoire de France est en train de s’écrire, parfois de manière très anarchique

    Tout y est. On est dans la perversion la plus abjecte, la domination la plus totale. Le seigneur va s’en payer une bonne tranche sous les yeux du futur mari. Et pour ne rien gâcher, le seigneur est parfois ecclésiastique.

    Il semble que la confusion vienne d’un des droits que peut exercer le seigneur sur ses serfs. Les serfs sont des objets et appartiennent au seigneur; ces paysans n’ont pas même le droit de transmettre leurs biens à leurs enfants. On dit qu’ils ont la «mainmorte».

    S’ils souhaitent prendre épouse, il leur faut obtenir une autorisation de leur seigneur qui, selon son bon vouloir, peut être assortie d’une compensation pécuniaire. On parle de «formariage», mais aussi de «cullage», un terme qui vient de cullagium, «collecte» en latin. Il est probable que cela soit ce dernier droit qui ait donné lieu à une interprétation erronée –et il suffit de penser à ses trois premières lettres pour imaginer d’où provient la confusion.

    Si le droit de cuissage est une invention, nous savons tous la différence qui existe entre le droit et le fait, de jure et de facto. Or le droit de cuissage, c’est aussi et avant tout le droit du plus fort –qui est précisément le contraire du droit, et qui devient un fait. Le fait de cuissage, c’est celui que peut exercer le seigneur tout puissant, en effet, sur ses «gens».

    A chacun donc, de penser ce qu’il veut de ce droit qui frappe l’imagination et peut-être de poursuivre des investigations pour, à partir d’autres opinions, se forger un point de vue.