• MASSAT - Pour parler "religion".

     

     

     

    Le 25 décembre de l’année 2007. Il est midi. Nous sommes autour de la table, en Ariège. Yvonne et Marcel sont assis côte à côte. Marcel entame la discussion.

     

    Marcel – On a mis du temps pour se réchauffer. On n’a pas mis le moine pour ne pas se rendre trop douillet. On attend quand il y aura de la neige. Pour l’instant on peut encore supporter. Je vais prendre un petit muscat ça me fera du bien. Moi le pastis, je n’en suis pas fort. Quand on allait au bistrot on prenait ce qu’on appelait un « goudron ». Je ne sais pas quel mélange c’était. On buvait de la gentiane ou un quinquina.

    J’ai écouté la messe de noël. Il y avait beaucoup de monde, des curés en pleine forme et de sœurs usées et vieilles.

     

    Yvonne – Tu as pris quelque chose pour l’estomac avant de dîner.

     

    M – Non maintenant c’est trop tard.

     

    Y – Non ce n’est pas trop tard. Je peux aller le chercher.

    Yvonne quitte la table pour aller chercher les médicaments de son époux qu’elle protège comme la « prunelle de ses yeux ». Marcel a atteint 94 ans il n’a pas eu une vie facile à la ferme où il a pris la succession

     

    M – J’ai écouté le sermon du curé.

     

    Y – Moi quand j’étais petite j’allais tous les dimanches à la messe jusqu’à ce que je fasse la première communion…Je descendais au village à Biert. Je faisais la trotte à pied. Comme je communiais, il fallait être à jeun. Le curé, comme il savait que je venais de loin, il me donnait toujours quelque chose à manger pour me caler l’estomac. J’ai fait mon catéchisme à Biert. Mais il y avait des curés partout (Liers, Massat, Le Port, Rieuprégon, Mourès…) On fêtait St Pierre. Tout le canton se réunissait à Massat. On faisait la communion ce jour là. Après la cérémonie,  on faisait le tour de Massat. Les premiers qui étaient partis arrivaient quand les derniers sortaient de l’église tellement il y avait du monde.

     

    M – Quand j’ai fait la communion on était 42 garçons et une vingtaine de filles.

     

    Y – A Massat, les jours de foire on se perdait tellement il y avait du monde. Le jour de ma communion on est allé au restaurant au village.

     

    M – Pour ma communion on a fait le repas à la maison dans la salle à manger qui était au premier étage à l’époque. La maison n’avait pas encore été agrandie….

     

    Y – Tout le monde était croyant dans le pays. Nous on faisait le mois de Marie là haut. On faisait un petit autel dans la petite chambre derrière où couchait mon arrière grand-mère. On y mettait la vierge. On faisait des bouquets de lilas. La chambre était petite. Ma grand-mère y dormait je me demande comment elle ne s’est pas intoxiquée avec les fleurs. Il y avait l’emplacement de l’armoire du lit et de l’autel. Pendant le mois de Marie on allait y prier tous…on lisait le chapelet…pas Papa bien sûr…Il y avait mon arrière grand-mère, ma grand-mère, maman et moi. Ici on allait tous les soirs à la chapelle de l’Aisle.

     

    M – Le mois de mai était la période où tu remarquais qu’il y avait beaucoup de dévots à Massat. Le soir, après dîner tu voyais les gens se rendre à l’église. Du temps de mon père, on s’arrêtait de travailler quand l’angélus sonnait.

     

    Y – Une année il pleuvait sans arrêt. Le curé avait fait une messe pour que le temps se rétablisse. On y a assisté.

     

    M – On a eu un curé qu’on aimait bien : c’était Bonnance. Il était grand. Il mesurait peut-être 1m80. Ma sœur avait fait la première communion avec lui. Moi c’est avec Pestel.

     

    Y – A Biert il y avait l’école de filles et l’école de garçons. Moi j’étais à l’école à Tartein où il y avait une classe unique. Le curé de Biert était à cheval sur le règlement. Un jour il m’a demandé « A l’école à côté de qui tu es ? »  Je lui ai répondu « A côté de deux garçons » Il m’a dit « Mon Dieu quel malheur !! ». En fait j’étais à côté d’un garçon et d’une fille…

     

    M – Pestel il avait sa sœur comme bonne. Ma mère m’avait dit qu’il l’avait empéchée de se marier pour la garder comme bonne…Lui c’était le grand croyant…Bonnance c’était une « crème ». Y avait Céleste qui habitait en bas en face du cimetière, c’était la poule de Bonnance. Ils allaient aux champignons ensemble. Il y avait même Gigi dans la bande. Il y avait aussi Maria, tu la connaissais…

     

    Y – Oui oui elle était modiste…c’était aussi une de ses poules…

     

    M – Maria et les sœurs Piquemal elles avaient une pique contre Bonnance. Elles étaient jalouses de Céleste…je ne sais pas pourquoi…C’était l’époque où mon grand-père était entrepreneur. Il avait des fois l’occasion de faire des repas avec des clients pour parler affaires. Ça se terminait parfois dans un cabaret…Un soir qui il rencontre dans un cabaret …le curé Bonnance…en costume …pas en soutane…qui dansait. En passant à côté de mon grand-père il lui dit « Marcellin ne dit rien hein…tu n’as rien vu… »

     

    Y – Bonnance, il aurait été à cette époque ci, il aurait fait des miracles.

     

    M – Il était ami avec mon grand-père parce que quand Marcellin construisait la grange, il venait le voir, montait sur l’échafaudage et lui demandait conseil parce qu’à l’époque, il voulait construire la chapelle de St Martin.

     

    Y – Il y a un curé qui venait souvent à la maison . Yvette lui faisait baptiser les poupées : c’est Ferran.

     

    M – Ferran il était à Auzat avant de venir à Massat. Il avait pistonné beaucoup de personnes pour les faire entrer à l’usine d’aluminium.

     

    ……………………………

    M – La dernière fois qu’on était chez le docteur, il y avait Mme Auriac. Je ne sais pas comment elle a parlé. Quand elle était jeune fille elle venait danser à la mairie à Massat. Maman me disait « Ta sœur veut aller danser tu iras l’accompagner » C’était le soir. Il y avait mme Auriac et 4 sœurs du Port. Elles étaient jolies. C’étaient des poupées. J’ai toujours ce souvenir…Aujourd’hui elle a 99 ans …elle s’est maintenue. Elle n’est pas jeune bien entendu. Mais elle est bien encore…

    Elle m’a parlé de première communion…et puis elle m’a parlé de ceux qui sont morts. Je lui ai dit que la vie était bête parce que certaines personnes arrivent à vieillir et d’autres s’en vont jeunes…Moi sur 42 communiants de mon époque je suis le dernier…j’étais le dernier à l’école et je suis le dernier pour mourir.

     

    Y – C’est pour ça que quand Darbon te voit il dit que tu es une vieille figure de Massat.

     

    M – Chez le spécialiste de l’audition, un type me regarde et me dit « Vous je vous connaîs ». Je vous ai vu ici à St Girons. D’où c’est que vous êtes ? Après l’avoir fait cherché je lui ai dit que j’étais de Massat.

    « Oh mon Dio » il m’a dit…