• MONDOVI : L'école des filles

     

     

     

     

    Lorsque nous avons quitté le village, les activités scolaires étaient similaires à celles de la Métropole. Une seule différence était notable, l’absence de mixité. Garçons et filles fréquentaient deux écoles bien distinctes dans le village même du point de vue géographique.

    MONDOVI : L'école des filles

    Les deux écoles bien distinctes ont été implantées dans le secteur central du village, réservé à l'administration.

     

    MONDOVI : L'école des filles

    Nous sommes au bout de la rue DAMREMONT.

    Les enfants ne sortent pas de l'école. Ils sont simplement sortis pour poser devant le photographe comme il est de coutume chque année.

    Derrière eux les bâtiments de l'école. A droite quelques badauds et curieux musulmans..

     

    Avant de calquer l’école de la colonie sur l’école de France l’état est passé par de nombreuses étapes. Résumons ces étapes.

    Lorsque le village est né (1848) cela faisait seulement 8 ans que la colonie avait été créée (1840).La pacification du territoire a été réalisée progressivement. Un des « soucis » majeurs était celui de la communication.

    Deux stratégies s’offraient à l’administration française: faire apprendre la langue locale aux « conquérants » ou faire apprendre le français aux indigènes. C’est la deuxième stratégie qui a été choisie. Elle s’adressait surtout aux jeunes. Les « anciens » ont appris à communiquer sur le tas c'est à dire le plus souvent sur le lieu de travail. Même si l’adéquation du langage qui n’était que parlé n’allait pas de pair avec celui que l’on utilisait à Paris ou Marseille. Cela a d’ailleurs donné naissance à des langages locaux tels le « sabir » ou le « pataouette ».

    Dès 1832 on a décidé que les portes des écoles destinées aux « petits colons » seraient ouvertes à la population indigène. A cette époque l’illettrisme régnait en maître dans les campagnes algériennes. La seule préoccupation de l’occupant turc avait été de tirer le maximum de profit d’un pays sans structures sociales ou économiques. Celles-ci ayant été abandonnées dès le départ des Romains.

    En 1830 la population musulmane était constituée d’une majorité de Berbères organisés en tribus. Un autre « type humain » côtoyait le Berbère. C’était un homme de grande taille, au teint clair et cheveux blonds. C’était  celui des descendants des Gaulois, des Anglais, des Suédois. On le retrouvait en Kabylie. Il constituait la population Kabyle.

    Berbères et Kabyles n’ont pas le même langage. Ils n’ont pas non plus le même état d’esprit. Dès les premières années de la conquête les kabyles sont allés à la rencontre des troupes françaises et ont été plus perméables à la culture française.

    Lors de l’invasion arabe en 644, Berbères et Kabyles ont été contraints de se convertir à l’Islam. Plus tard, au VIIIème siècle un mouvement Berbère contre l’Islam arabe a donné naissance au premier état islamique indépendant. Les hordes arabes sont alors chassées d’Afrique par les Berbères. La population arabe désireuse de rester sur place se fond dans les populations berbères.

    Par la suite une administration Turc s’implante et se maintient en Algérie pendant quatre siècle. La colonisation turc se résume en une autocratie villageoise constituant une sorte de petite bourgeoisie vivant parallèlement aux indigènes.

    Lorsque la France arrive en Algérie en 1830 la population berbère musulmane constitue une mosaïque d’ethnies à la langue et au mode de vie différents. Presque la moitié de la population ne parle que des dialectes et ignore totalement l’arabe. Les autres utilisent un dialecte dit « arabe parlé » souvent différent d’une tribu à l’autre.

    Un enseignement islamique était dispensé dans les écoles coraniques. Il consistait en l’apprentissage de quelques versets du coran retenus par cœur et servant par la suite de prières. Seuls les garçons étaient admis dans ces écoles implantées dans les mosquées ou dans des locaux de particuliers. Pas de mobilier. L’élève est assis à même le sol. Une planche de bois lui sert de pupitre. L’école est dirigée par un maître (le taleb) qui a eu le plus souvent une formation théologique dans une école où il a appris la lecture et l’écriture du Coran.

    Les écoles coraniques ont continué à exister tout au long de la colonisation. Il en existait une à Mondovi dans la rue  THOUIN. On pouvait la localiser en passant devant ses portes,souvent ouvertes, par le chant lancinant monocorde qui correspondait à l’apprentissage verbal des prières que l’élève devait acquérir  par cœur.

    La préoccupation constante des autorités françaises a été de lutter contre l' illettrisme.

    Parallèlement à l’installation des colons des structures administratives sont mises en place. Des écoles françaises « sortent de terre ». On les appelle alors « écoles mutuelles » parce qu’elles sont ouvertes à tous, aux « petits coloniaux » comme aux indigènes ou aux juifs. Pendant longtemps ces écoles ont été boudées par les indigènes allant à l’encontre du désir des autorités d’amener à la civilisation les indigènes musulmans.

    Vu l’insuccès des « écoles mutuelles » on décide de créer des écoles « françaises-maures ». Un maître musulman et un instituteur français ont la charge d’une classe d’élèves. Le système se heurte à la difficulté de trouver des locaux adaptés et des maitres indigènes compétents.

    Le projet est abandonné pour l’organisation d’une école primaire de masse.

    En 1850 les écoles françaises musulmanes sont créées. Garçons et filles sont séparés avec un programme différent. Chez les garçons on enseigne la lecture et l’écriture du français, les éléments de calcul et les poids et mesures. Chez les filles ont y ajoute les travaux d’aiguilles.

    La classe du matin dirigée par un maître adjoint musulman est consacrée à la culture locale. Elle préconise l’enseignement de l’arabe et de la culture islamique.

    Le projet fut un échec parce qu’il imposait aux populations de culture berbère ou kabyle une culture arabe et islamique qui leur était étrangère. Ce sujet restera d’ailleurs une source de tension après le départ de la France d’Algérie.

    Le 28 mars 1882 sur les instigations de Jules Ferry, il est décidé en France que «l’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes de six ans révolus à treize ans révolus »

    A cette date 60% de la population scolarisable d’Algérie reste à scolariser. Des écoles d’indigènes aux frais de la France sont créées. Le nombre d’écoles publiques va en augmentant d’années en années. De 3172 élèves indigènes en 1882 on passe à 10688 en 1888. On enseigne dans les écoles d’Algérie les mêmes matières qu’en France complétées par des points spécifiques sur l’Algérie. Le but premier de l’enseignement est d’inculquer aux petits indigènes l’apprentissage de la langue française dès son enfance. En 1892 l’Algérie comptait 113 écoles pour 11409 élèves. En 1929, elle comptera 564 écoles pour 60644 élèves. Il faut cependant noter qu’à cette date les écoles de garçons sont au nombre de 541 pour 23 écoles destinées aux filles.

    La scolarisation des filles n’a que tardivement retenu l’attention des pouvoirs publics. De 1938 à 1950 le nombre de filles passera de 6172 à 132 620.

    L’école de Mondovi, comme toutes celles des villages de la région ont connu cette évolution qui a fait qu’au moment de l’indépendance, le nombre de garçons ou de filles indigènes dépassait celui des élèves d’origine européenne.

    Les indigènes avait compris le rôle de l’école dans l’adaptation sociale d’un enfant. C’était bien là, l’objectif premier de l’état français qu'il a mis 130 ans à atteindre.

    Evolution des effectifs et composition d'une classe  de filles de l'école de Mondovi de 1930 à 1958

     

        EFFECTIF DE LA CLASSE ELEVES D'ORIGINE EUROPEENNE ELEVES INDIGENES
    1930  Le Cami N°47 25 20 5
    1955 Le Cami N°47 35 7 28
    1958 Le Cami N°47 34 8 26

     L'école des filles de Mondovi a toujours été "gérée" par des femmes. Des patronymes sont resté attachés à cette fonction : Mmes Villela, Galand, Boujados, Vella qui ont été d'excellentes pédagogues passionnées par leur métier et animées de la volonté de faire progresser tous les élèves de toutes origines.

     

    MONDOVI : L'école des filles

    1954-55 - Madame Vella, institutrice à Mondovi, originaire de Corrèze en promenade sur la route de Barral.